Le paysage. Approches, types, définitions
« La nature n’est pas un paysage statique sur une toile tendue. C’est
un visage vivant marqué par toutes nos sensations, nos larmes et nos cris, et
qui nous tire une galaxie de langues ». (John Cowper Powys)
Conformément au dictionnaire
Larousse, un paysage est une « étendue spatiale, naturelle ou transformée
par l’homme, qui présente une certaine identité visuelle ou fonctionnelle; une
vue d’ensemble que l’on a d’un point donnée; un aspect d’ensemble que présente
une situation ».
L’étymologie du mot paysage date depuis 1573 comme
« étendue de pays que l’œil peut embrasser dans son ensemble »
(Garnier, Hippolyte).
Le paysage peut être trouvé dans la
littérature de spécialité comme synonyme de: vue, peinture, site, tableau, point de vue, panorama, figure, scène,
perspective, horizon, dessin, bergerie, situation, décor, coup d-œil, carte,
campagne.
La notion de paysage peut varier en fonction du type
d’activité faite:
·
Psychophysiologie: le paysage est le résultat de la perception visuelle,
comme première forme d’organisation symbolique. La vue organise et interprète
le flux de données sensibles de manière à faire de lui un message. Cette sémantisation
fond la structure d’horizon de la perception visuelle. Le paysage comme vision d’ensemble est aussi
une mise en relation, chaque objet étant perçu et interprété en fonction de son
contexte, de son horizon. L’œil n’est pas le seul en cause dans la perception
de l’espace et des paysages. C’est le corps tout entier qui y est impliqué.
Piaget et Inhelder ont bien montré par exemple que les représentations
spatiales évoluaient en fonction des diverses conquêtes sensori-motrices de l’environnent.
·
Histoire:
dans l’histoire de notre civilisation, la promotion du paysage a souvent
accompagné celle de l’individu. Les premières représentations picturales du
paysage, l’apparition du mot dans les langues européennes, datent du XVIème siècle.
C’est le Romantisme qui, avec sa théorie du paysage comme état de l’âme mettra l’accent sur
l’aspect subjectif, partial, egocentrique de notre expérience de l’espace.
·
Phénoménologie: ce domaine montre que la solidarité entre paysage perçu et sujet
percevant joue a double sens: en tant qu’horizon, le paysage se confond avec le
champ visuel du regardant, mais en retour, toute conséquence étant conscience,
le sujet se confond avec son horizon et se définit comme être-au-monde.
·
Géographie:
ici il s’agit d’une tentative de réhabilitation du point de vue. L’espace de la
carte n’est construit à partir d’aucun point de vue privilégié. Il ignore la
perspective horizontale, si bien que tous les objets s’y trouvent reproduits à
la même échelle. Il est vu du dehors et d’en haut, si bien qu’il est réduit à
deux dimensions. Seuls des signes conventionnels permettent de superposer à
cette image essentiellement bidimensionnelle une évaluation de la hauteur
(courbes de niveau par exemple) et une évocation de la profondeur. L’espace du
paysage, organisé à partir d’un point de vue unique et selon une perspective
horizontale, s’oppose en tous points a celui de la carte. Il « se caractérise
par un glissement d’échelles depuis la grande échelle au premier plan jusqu'à
des échelles de plus en plus petites vers l’horizon » (Y Lacoste, A quoi sert le paysage, 1977), ce qui crée
précisément sa dimension de profondeur. Il comporte une verticalité. Ces deux
dimensions déterminent une autre caractéristique distinctive du paysage: son
aspect partiel.
·
Art:
pour l’artiste, le paysage est un objet, qui selon sa créativité, revêtira son
style personnel dans les formes et les couleurs. L’œuvre reste le paysage-témoin
de son temps, sa représentation est abstraite.
·
Littérature: pour l’écrivain, le paysage est un objet qui exprime les pensées, l’expression
de sa culture et bien sur, l’émotion.
Pour
conclure, la notion de paysage varie selon la sensibilité de chaque individu.
Un paysage peut être de plusieurs types: naturel, agricole, rural, urbain, industriel etc.
Concernant le paysage urbain historique, le patrimoine
urbain revêt une importance cruciale pour nos villes, aujourd’hui et demain. La
recommandation concernant le paysage a été adoptée le 10 novembre 2011 par la Conférence
générale de l’UNESCO.
L’approche centrée sur le paysage urbain historique dépasse
la conservation de l’environnement physique, pour appréhender l’ensemble de
l’environnement humain dans ses éléments matériels et immatériels.
Parmi les principaux paysages urbains du monde, on
mentionne: le paysage du changement
climatique, le paysage d’exploitation commerciale, le paysage du tourisme de
masse etc.
Le paysage urbain historique résulte de la stratification
et de l’imbrication des valeurs culturelles et naturelles à travers le temps. Dépassant
la notion de « centre historique », il inclut le plus large contexte
urbain ainsi que son environnement géographique: pratiques culturelles,
infrastructures, environnement bâti, diversité et identité.
Voici les actes de l’approche centrée sur le paysage
urbain historique, d’après le guide Une
nouvelle vie pour les villes anciennes:
1.
Entreprendre
une évaluation exhaustive des ressources naturelles, culturelles et humaines de
la ville.
2.
Définir
les objectifs et les actions de conservation en pratiquant une planification
participative et en consultant les parties prenantes.
3.
Evaluer
la vulnérabilité du patrimoine urbain face aux pressions socio-économiques et
aux impacts du changement climatique.
4.
Intégrer
les valeurs du patrimoine urbain et leur état de vulnérabilité dans une démarche
plus large d’urbanisme.
5.
Hiérarchiser
les politiques et les actions de conservation et de développement, incluant une
gestion avisée.
6.
Créer
des partenariats et coopérations et des cadres de gestion locale appropries.
7.
Elaborer
des mécanismes pour la coordination des diverses activités menées par les différents
acteurs.
Le paysage dans le sens général, a été aussi analysé, au cours de temps, du
point de vue de la problématique. Ainsi, ci-dessous sont listées les problématiques
générales du paysage:
·
Evolution
du paysage: humanisation, artificialisation genèse, fonctionnement et évolution
·
Méthodes
de description, d’analyse de l’image photographique
·
Formulation
d’hypothèses explicatives sur les différents éléments du paysage
·
Approches
systémiques: les différents types de contraintes, d’influences, de compétitions
pour l’occupation de l’espace d’une part, leurs effets paysagers d’autre part
·
Sensibilité
et description du réel au sensible
·
L’homme
dans son milieu: évolution des perceptions, repères identitaires
·
Littérature
comparée, analyse du discours
·
Travail
sur l’imaginaire, les représentations mentales; confrontation entre représentations
et observations; symboliques des paysages
·
L’étude
des paysages recoupe des problématiques diverses liées aux questions suivantes:
environnement, aménagement du territoire, urbanisme, gestion du risque, gestion
du patrimoine etc.
Les citations ci-dessous des divers auteurs sur le terme
de paysage (tout type et tout point de vue) vont tenir la place des
conclusions:
« La ville a l'air d'un campement militaire
placé là pour un jour, et que le lendemain fera disparaître. Heureusement la
beauté de la montagne environnante corrige l'impression d'ennui que produirait
la vue des monotones constructions de Livadzi et de Petroseny. »
(Elisée Reclus, Voyage aux régions minières de la Transylvanie occidentale,
Le Tour du Monde, Nouveau Journal des Voyages, 1874)
« Il existe deux grandes
catégories de paysages, les paysages ruraux ou " naturels" et les
paysages urbains. »
(François Taillefer, La science du paysage in La pensée
géographique française contemporaine)
« De même que le disque est une surface plane
contenant en puissance une symphonie, le paysage lui est un tableau contenant
en puissance la compression imaginaire de siècles de bouleversements. »
(Sylvain Tesson, " Petit traité sur l'immensité du monde",
Ed. des Equateurs, 2005)
« Le paysage ne se réduit pas
aux données visuelles du monde qui nous entoure. Il est toujours spécifié de
quelque manière par la subjectivité de l'observateur ; subjectivité qui est
davantage qu'un point de vue optique. L'étude paysagère est donc autre chose
qu'une morphologie de l'environnement. Inversement, le pays n'est pas que « le
miroir de l'âme ». Il se rapporte à des objets concrets, lesquels existent
réellement autour de nous. Ce n'est ni un rêve ni une hallucination ; car si ce
qu'il représente ou évoque peut être imaginaire, il existe toujours un support
objectif. L'étude paysagère est donc autre chose qu'une psychologie du regard
…» (Augustin Berque, Cinq propositions pour une théorie du paysage,
1994).
« ...Le paysage est donc une apparence et une
représentation : un arrangement d'objets visibles perçu par un sujet à travers
ses propres filtres, ses propres humeurs, ses propres fins..."
(Roger Brunet, Les Mots de la géographie, dictionnaire
critique, Reclus, 1992).
« Les paysages et les jardins naissent dans l'esprit des hommes :
c'est de cette source qu'ils peuvent renaître. » (Pierre Donadieu
et Élisabeth de Boissieu, Des mots de paysage et de jardins, Actes
Sud).
« Un paysage quelconque est un état de l'âme »
(Henri-Frédéric Amiel, 1852, Journal Intime).
Il
vient toujours un moment où l'on a trop vu un paysage, de même qu'il faut longtemps
avant qu'on l'ait assez vu. » (Albert Camus, Noces).
« Poètes, peintres, voyageurs
enthousiastes, hâtez-vous de réjouir vos yeux, bientôt il ne sera plus temps.
La vapeur et l’industrie vous suivent, vous touchent, vous dévorent, vous
dépassent: l’industrie qui dessèche les marais, qui laboure les prairies ; la
vapeur qui culbute les moulins à vent, qui coupe les montagnes, les rivières et
les sentiers des rêveurs, qui plante à tout bout de champ des cheminées
gigantesques dont la fumée nous gâte le peu de beau ciel que nous laisse
l’orage. » (Arsène Houssaye, De la poésie, de la vapeur et du
paysage, 1842).
Bibliographie
1.
Voyage aux régions minières de la
Transylvanie occidentale,
Le Tour du Monde, Nouveau Journal des Voyages, Elisée Reclus, 1874
2. La
science du paysage in
La pensée géographique française contemporaine, François Taillefer
3.
Petit traité sur l'immensité du monde, Sylvain
Tesson, Ed. des Equateurs, 2005
4.
Cinq propositions pour une théorie du
paysage, Augustin Berque,
1994
5.
Les Mots de la géographie, dictionnaire
critique, Roger Brunet, Reclus, 1992
6.
Des mots de paysage et de jardins, Pierre Donadieu et Élisabeth de Boissieu
7. Journal
Intime, Henri-Frédéric
Amiel, 1852
8. Noces,
Albert Camus
9.
De la poésie, de la vapeur et du paysage, Arsène Houssaye, 1842
10. http://geoconfluences.ens-lyon.fr/ - Ressources de
géographie pour les enseignants, consulté le 9 Mai 2015
11. http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/spgeo_0046-2497_1986_num_15_3_4144 - Revue
scientifique, consulté le 7 Mai
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